page 394 le patriarche 395

- Vous avez bu ?

Erik répond :

- Oui, elle est restée fraîche, mais c'était la nuit, on verra ce soir... Les pailles de Naoma sont pas mal...

Naoma est fière de ses pailles :

- Un peu qu'elles sont pas mal ! Bon sur ce, bonne nuit les garçons !

Trente-et-unième jour. Nous avançons à bonne allure avec Erik, mais je sens qu'il est épuisé. Le soir arrivant, Naoma n'étant pas encore réveillée, Nous faisons un pause pour pêcher quelques poissons. Naoma se réveille, mange un bout avec nous, et elle remplace Erik. Le rythme est moins soutenu, mais il me permet de me reposer un peu. La journée est restée couverte, et nous n'avons pas eu trop chaud, c'est une aubaine. Toutefois le ciel se dégage, et le lendemain sera sans doute beaucoup plus caniculaire.

Erik se réveille au milieu de la nuit, le ciel est splendide, aucun nuage, aucune lumière.

- Vous avez vu cette traînée lumineuse ?

Je lève leux yeux, reste une seconde silencieux devant les milliers d'étoiles ressortant dans le ciel d'un noir parfait, la Voie Lactée s'étend comme une brume d'étoiles :

- Le truc molletonneux là ? C'est la Voie Lactée, c'est le cen...

- Non non pas ça, le trait fin qui part de l'horizon là et s'arrête là.

Je vois effectivement le trait fin et lumineux dont parle Erik :

- Ah oui, qu'est ce que c'est ?

Naoma aussi regarde :

- Et regardez, il reprend de l'autre côté, de là à l'horizon opposé !

Je m'écrie :

- Et ! Mais ce doit être un anneau ! La planète doit avoir un petit anneau !

Naoma complète :

- Mais, pourquoi est-il coupé ?... Ah ! C'est l'ombre de la planète !

- Oui sans doute.

Cette découverte faite, nous nous octroyons une pause commune de dix minutes, Erik mange un bout puis me remplace. Je mange moi aussi un bout, bois un bon quart de litre et je m'allonge pour contempler ce petit anneau. Il se voit à peine, il doit vraiment être tout petit ou très loin. Mais, épuisé, je m'endors sans guère plus de réflexions... Naoma à peut-être raison, peut-être que je pense un peu trop à Deborah...

Cinq jours s'écoulent. Cinq jours de canicule. Ramer le jour est très éprouvant, d'autant que l'eau s'épuise beaucoup plus vite que prévu, même en nous rationnant. Nous doutons de plus que les combinaisons ne soient pas un peu perméables, et la chaleur et l'évaporation sont peut-être aussi responsables de l'épuisement de nos ressources. Il nous semble en plus qu'un léger goût salé se laisse deviner, confirmant que les combinaisons doivent laisser filtrer un peu d'eau. Mais notre destination est désormais en vue, et nous conservons moral et courage.

Fin du trente-sixième jour, début du trente-septième jour, je remplace Naoma qui fatigue plus vite que nous, et ses périodes plus courtes nous font décaler un peu chaque jour les horaires de passage. Ce n'est pas plus mal ainsi chacun a aussi l'inconvénient de dormir de jour. Nous mangeons ensemble encore et toujours du poisson, et nous nous reposons un peu en pataugeant et pêchant pendant une petite heure. Puis Naoma se couche et nous reprenons les rames.

Quarante-et-unième jour. Il n'a toujours pas plu, nous n'avons plus d'eau depuis deux jours. Naoma ne rame plus, et nous ne le faisons Erik et moi que la nuit, quand la chaleur est moins forte. Nous passons notre journée appuyé au radeau, le corps dans l'eau. Nos petits parasols ne servent pas à grand chose tellement