de lui expliquer, et que c'est peut-être un moyen de lui montrer que je suis son ami, ou que je ne lui veux aucun mal, plus exactement. Je lui demande en balbutiant en mauvais espagnol de m'aider, que je ne veux qu'un peu d'eau et quelques habits non souillés de sang. Elle est réticente, raconte qu'elle ne veut pas de mon argent, que c'est l'argent du mal. Je lui explique alors que je suis ni un terroriste, ni un bandit, ni un trafiquant. Je suis simplement un touriste français qui s'est fait enlever par des hommes à la sortie de l'aéroport. J'ai beaucoup de mal à m'exprimer mais je crois que je parviens à la convaincre. Elle prend le billet et ferme la porte derrière moi. Elle me demande ce qui s'est passé, et j'explique que des hommes ont attaqué ma voiture et tué tout le monde sauf moi.
Elle baisse un peu sa garde et va me chercher un verre d'eau. Je bois avidement. Elle me demande si je veux me rincer à l'eau, mais m'explique qu'elle n'a pas de douche, juste un robinet d'eau pour toute la maison. Je me contenterai d'une bassine pour me débarbouiller, lui dis-je. Elle m'apporte un récipient métallique rempli d'eau vaguement trouble avec un bout de pain mexicain. Je me nettoie la tête et les bras, couverts de sang. Ma chemise et mon tee-shirt le sont aussi, tout comme mes jeans. Je retire ma chemise et mon tee-shirt pour regarder la plaie à mon épaule gauche. J'ai bien reçu une balle. Je nettoie tant bien que mal les bouts de tissu tout autour. Je passe ma main par dessus mon épaule pour sentir que j'ai aussi un trou de l'autre côté, dans mon dos. Ce qui est plutôt bon signe, la balle ayant dû ressortir. La blessure ne saigne pas trop, j'ai la chance d'avoir un sang qui coagule vite. J'espère que je n'ai pas d'hémorragie interne. Elle me tend un tissu pour me panser ma plaie. Je l'applique tant bien que mal et remets mon tee-shirt et ma chemise par dessus. Je lui demande si elle n'aurait pas un poncho comme elle est en train de porter, pour pouvoir cacher mes habits souillés par dessous. Elle s'absente et m'en apporte un, sûrement pas très neuf mais encore résistant et en pas trop mauvais état. Je la remercie de tout mon coeur et lui sors un autre billet de cent dollars. C'est la seule chose que je peux faire pour elle à cet instant. Elle me remercie beaucoup et me prie de rester encore un peu prendre des forces quand je me prépare à partir. Je lui explique que d'autres hommes, amis ou ennemis de ceux qui m'ont enlevé, me recherchent peut-être encore, et qu'il n'est pas prudent pour elle que je reste ici.
Vendredi 13 décembre 2002
Je termine son pain mexicain, puis me lève pour repartir. Je lui demande dans quelle direction se trouve un hôpital, et s'il existe des taxis ou des moyens de transport dans le coin. Elle m'explique comment m'y rendre, mais aussi qu'il me faudra marcher un peu avant de trouver un taxi, ceux-ci ne s'aventurant pas jusqu'ici, où il n'y a pas de clients, de toute façon. Quant aux transports en commun, il ne faut pas y compter avant plusieurs heures.
Je reprends la route. Je marche doucement. Le pain m'a donné un peu de courage, tout comme boire et me rincer à l'eau fraîche, je me sens moins sale et désespéré. Je boite, sûrement que les coups pendant mon combat m'ont fait de nombreuses contusions. J'ai un peu froid malgré le poncho. J'ai peut-être perdu plus de sang que je ne le crois. Je ne saurais dire combien de temps j'ai marché. Je m'aperçois que je n'ai plus ma montre. J'ai dû la perdre dans la bataille. Montre ! Mon amie, je t'ai laissée toi aussi, je vous perdrai toutes, mes choses, si ça continue...
Cela doit se compter en heures avant que je n'arrive dans des quartiers un peu plus fréquentés. Nous devions être vraiment en dehors de Mexico. Car même si je ne marche pas très vite j'ai dû faire plusieurs kilomètres. Cinq, dix peut-être. La circulation s'intensifie un peu. Mais les rares taxis que je vois ne daignent pas s'arrêter pour moi. Je prépare alors un billet de cent dollars pour l'agiter le moment venu. Vingt minutes s'écoulent encore avant que je ne croise de nouveau un taxi. Je lui montre le billet et il s'arrête. Je lui explique que je dois aller à un hôpital puis à l'aéroport, et que s'il accepte de m'y mener il y aura cent dollars à la clé. Il est d'accord.
Première étape, l'hôpital. Le taxi m'en trouve un en moins de dix minutes, je lui demande de m'attendre devant, sans trop y croire. Je peine un peu pour ressortir de la voiture et me dirige vers l'hôpital. À l'intérieur je demande un docteur. Mais tout le monde semble très occupé, il y a du monde. Ils me prient tous d'attendre mon tour et de patienter, expliquant qu'il y des cas plus urgents que le mien à régler. Comme ils ne semblent pas vraiment juger ma situation à sa juste valeur, je décide de retirer mon poncho. Les gens proches de