page 160 le patriarche 161

avait juste vu une vieille dame qui radotait. Carole fronça les sourcils et lui fila une tape sur l'épaule en mettant son doigt devant la bouche pour lui dire de se taire. Fabrice voulut en savoir plus. Thomas résista et dit simplement que la vieille dame ne savait plus ce qu'elle disait et qu'elle semblait croire avoir connu une Seth dans les années vingt, qu'elle était sans doute sénile ou qu'elle se trompait. Fabrice posa de nombreuses questions, Thomas se contenta de répondre qu'il pensait que c'était une erreur et qu'il n'avait pas cherché plus loin, que ce n'était sans doute pas la Seth qui les intéressait. Fabrice s'énerva un petit peu, qu'il ne fallait négliger aucune piste, et que c'était peut-être une personne de la famille de Seth, et qu'il était préférable de ne pas éliminer d'hypothèse avant d'avoir vraiment tous les éléments en main. Il recommanda à Thomas de retourner voir la vieille dame. Thomas acquiesça et lui demanda pour les documents. Fabrice parut surpris qu'ils ne les aient toujours pas reçu. Il maudit la poste et se dit qu'il aurait mieux fait d'utiliser un transporteur, puis souhaita bonne chance à Thomas et raccrocha sans attendre.

Thomas avait mis le haut-parleur de façon à ce que Carole puisse entendre. Celle-ci resta silencieuse après que Thomas eut raccroché. Il alla au bar se servir un coca, elle se contenta d'un Perrier, elle aimait bien cette eau gazeuse un peu piquante. Ils s'assirent tous deux dans les confortables fauteuils, puis analysèrent finalement la conversation. Carole ne démordit pas de son hypothèse principale.

- Peut-être qu'il insiste simplement parce qu'il n'a que ça comme piste et qu'il veut que nous restions encore ici.

- Pourtant il m'a posé beaucoup de question, ça avait vraiment l'air de l'intéresser.

- Oui mais comment savoir, il peut très bien jouer la comédie, en fait qu'il pose des questions, ça ne veut rien dire. Nous ne sommes pas plus avancé, et pour ses documents, nous sommes obligés d'attendre un jour de plus... C'est vraiment du temps perdu.

- Pas complètement perdu, on va pouvoir faire encore un superbe repas, on pourrait même prendre la voiture et aller manger quelque part.

- Il est encore un peu tôt, il n'est que 19 heures, et puis le repas de midi était déjà bien bon.

- On pourrait aller faire un peu de shopping en ville, non ? On a cinq mille euros qu'on a presque pas touché.

- Bof, je serais plutôt d'avis de nous coucher tôt, et de demain matin partir pour tenter de trouver Ylraw.

- Tenter de trouver Ylraw ?

- Ben oui, nous ne sommes pas très loin, non ? Et en plus on a une voiture.

- Oui, on est pas très loin de chez ses parents, mais ce n'est pas sûr qu'il y soit, et s'il se cache vraiment ils ne nous diront rien, comment veux-tu le trouver ?

Carole soupira. Elle avait envie d'avancer, mais elle ne savait pas trop comment. Elle ne voulait pas rester là, elle voulait partir de cet endroit, elle voulait se sentir libre, elle se sentait enfermée, prisonnière de Fabrice Montgloméris. Elle aurait voulu sortir de l'immeuble partir... Elle réfléchit un instant puis se dit, que, finalement, elle n'était pas tellement retenue qu'elle en avait l'impression, elle pouvait quitter Thomas, Cannes, repartir chez elle. Pourtant elle ne se sentait pas très bien, la fatigue peut-être ? Le fait de rester inactive, le fait d'avoir cette amère impression de perdre du temps, de ne pas être productive... Elle détestait cette impression, elle avait peur de mourir dans ces moments, elle avait peur de mourir avant d'avoir fait tout ce qu'elle voulait faire, même si elle ne savait pas très bien ce qu'elle voulait faire... Mais elle voulait que le monde ait changé, même un tout petit peu, avant qu'elle ne parte. L'écriture pourrait peut-être aider un peu le monde à changer, si elle arrivait à exprimer tout ce mal qu'elle voulait en dire, qu'elle voulait dire de la société, de la consommation, de l'égoïsme... L'histoire d'Ylraw était, elle l'espérait, ce qui lui permettrait de faire passer son message, d'avoir à la fois l'histoire qui faisait rêver et l'opportunité de déballer tout ce qu'elle avait sur le coeur, ce jeune qui ne supportait plus ce monde, et qui partait, on ne savait trop où, pour finir en Australie, puis revenir. Cette fille qui le suivait, qui le suivait depuis toujours,