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Retour à la maison, nous décidons alors d'aller faire un tour à la plage de la Conche, pas très loin de là. Premier essai de château sur la plage, circuit de billes... L'eau n'est pas chaude, juste les pieds dedans suffisent à m'avertir qu'il vaut mieux attendre le lendemain pour une tentative de baignade. Je commence à détester les lendemains, ces nuits qui séparent les jours et où je ne fais que penser à ce fichu truc en métal, ou bien en je ne sais pas quoi, et à elle, encore. Est-ce que tu as vraiment voulu que je le mette ton bracelet ? Est-ce qu'il est vraiment à toi ? Où es-tu ? Soupir... La vie est dure parfois...

Vendredi. Pixel et François sont arrivés hier soir. Je n'ai pas beaucoup dormi. J'ai comme le sentiment que ce bracelet m'observe, m'étudie. Je reste au lit histoire de ne pas déranger mes potes qui ont l'air de dormir paisiblement. Je ne sais pas trop quoi penser, quoi faire. Je suis à la fois désespéré de cette chose qui de toute évidence me veut du mal, et presque heureux que quelque chose de surnaturel, ou d'étrange, arrive. La vie est tellement morose par moments, le monde tellement glauque, avec toujours les mêmes rengaines, les mêmes objectifs, la même misère, les mêmes injustices... Peut-être ce bracelet est-il la clé pour quelque chose de nouveau ? Ah bah ! Guillaume a sûrement raison, je suis complètement aveuglé par ce truc qui n'est rien d'autre qu'une excuse pour tenter de m'évader un peu de la réalité. Pourtant j'ai tellement l'impression que c'est vrai.

J'attends, une heure, peut-être deux ou trois en réalité, et je finis par regarder l'heure. 8 heures 54. C'est une heure honnête pour se lever et aller faire un tour dehors. Je prends deux ou trois affaires sans trop faire de bruit, m'habille dans la cuisine et je sors. Il fait plutôt frais. Le temps est grisailleux. Ah mon Soleil, où es-tu donc ? Pourquoi es-tu si loin depuis si longtemps ? Que ne pourrais-tu, toi, me débarrasser de ce bracelet ? Peut-être devrais-je demander à mes amis de tenter de me l'enlever en dormant ?...

Je marche un peu, vais jusqu'à la mer qui ne se trouve qu'à quelques centaines de mètres. Je m'assois sur le petit mur de la digue quelque temps, regardant sans penser à rien le ressac des vagues sur la plage de galets. Le ciel est la mer ne forment qu'un infini grisâtre et triste. Je rentre ensuite doucement, après une petite heure à rester là, rêvasser. Mes copains dorment toujours. Je reprends

un peu de forces et tente une fois de plus de m'enlever ce bracelet, sans succès, bien sûr, toujours cette dépendance. Je me demande comment il marche ; il doit utiliser des ondes ou quelque chose de ce type. J'ai l'idée de trouver du papier alu pour faire une sorte de cage de Faraday. Sans grand succès, dès que je l'enlève pour l'enfermer à l'intérieur, crise de larme et compagnie, convulsion, c'est vraiment impressionnant. Ce n'est plus le bracelet le problème désormais, c'est moi. Je suis plus dépendant du port de cette chose qu'un drogué ne l'est de la cocaïne ; de l'héroïne pour être plus juste, n'existant pas, parait-il, de dépendance physique forte à la cocaïne.

J'ai dû faire un peu de bruit, Guillaume se lève ; il dormait dans la chambre à part alors que nous quatre dormions dans la pièce principale.

Il me pose la main sur l'épaule et prends un air sérieux pour me demander si j'ai bien dormi.

Je réponds d'un air triste :

- Non.

Il fait la moue et se penche à la fenêtre pour voir le temps qu'il fait.

- Toujours le bracelet ?

Je m'appuie contre le plan de travail.

- Ouais.

Il se retourne vers moi, s'appuie lui aussi en face de moi.

- Mais c'est quoi ce truc avec ce bracelet, c'est du cinéma ? Franchement je n'y crois pas, et les autres n'y croient pas non plus.

- Je sais que c'est fou, mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ? J'ai aussi du mal à y croire, mais qu'est-ce que ça peut être, alors ?

- Je sais pas... Peut-être que t'es juste malade, peut-être que tu associes ça au bracelet mais que c'est juste la grippe ou..