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Cent vingt-et-unième jour, Pénoplée vient de nous apprendre que nous aurons désormais chacun notre propre chalet, avec seulement un contrôle minimal mais sans aucune barrière. Tout en sachant que le contrôle est plus lié à notre sécurité dans la mesure où nous n'avons pas de bracelet pour vérifier notre état physique. Nous emménageons donc dans deux petits chalets côte à côte, tous proches de la salle des conseils, près du chalet de Guerd, la copine d'Erik.

Notre déménagement ne fut pas très compliqué, dans la mesure où nous n'avions aucune affaire, même pas d'habits. Les vêtements nous sont mis à disposition via un générateur, une sorte de grosse armoire dans la chambre, d'où nous choisissons une tenue nous convenant. Nous avons certaines limitations car nous ne possédons pas de bracelet, mais cette contrainte n'est pas très problématique vu mon attachement à la mode vestimentaire. L'armoire possède tout de même un système qui vaut la peine d'être noté, à savoir qu'elle nous projette une image mentale de nous-mêmes portant l'habit sélectionné, comme si nous l'avions sur nous, ainsi qu'une vue externe, ce qui permet de se rendre compte du rendu. Elle donne de plus quelques conseils au regard de la météo du jour et des activités que nous prévoyons. C'est impressionnant à quel point tout communique. Tout est centralisé dans ce ou celui que j'appelle "Chalet", qui est le nom, original, que j'ai trouvé pour mon logis. Chalet me donne des conseils sur quoi manger, comment m'habiller, s'il trouve que je suis fatigué, énervé, triste... C'est plutôt amusant, d'avoir quelqu'un avec qui discuter, plaisanter, s'engueuler. Mais nous avons là aussi de par notre statut certaines limitations, le chalet, n'ayant pas notre trace vu que nous ne possédons pas de bracelet, refusera de nous renseigner sur nombre de choses.

Mais pour toutes ces choses j'ai une conseillère bien plus sexy, à savoir Pénoplée. Je suis un peu désorienté par sa capacité à prévoir

bon nombre de mes actions, encore une astuce du bracelet, mais cette contrainte ne fait que pimenter l'affaire. J'ai encore beaucoup de mal avec leurs unités. Leur unité de temps est aussi étrange que la nôtre, elle correspond à la durée du jour d'Adama, découpée en trente-six périodes, qui correspondent à un petit peu moins que nos heures. Chacune de ces périodes est elle-même découpée en six périodes, puis en six autres, et ainsi de suite. C'est un peu la même idée que leurs grands et petits sixième pour le découpage de l'année. Leur base six rend les choses un vrai casse-tête à comprendre, c'est largement pire que le passage à l'Euro. D'autant que pour simplifier les choses le jour de Stycchia est plus court de plusieurs heures au jour officiel d'Adama, et qu'ils parlent indifféremment de l'un ou de l'autre suivant leur interlocuteur. Donner rendez-vous dans trois jours ou à une date donnée à une personne est ainsi une tâche bien plus complexe qu'il n'y parait, impossible même sans le bracelet. Bien sûr la durée de l'année sur Stycchia est différente de celle d'Adama. Heureusement que le bracelet rassemble de manière graphique tous ces calendriers pour nous aider un peu à nous y retrouver, même si je ne sais pas encore lire leur écriture. Mais je tenterai de toujours conserver une conversion en unité de temps terrestre, pour avoir un tout cohérent, de toute manière autant le prix des carottes est concevable en euros, autant la durée des préliminaires optimale avec leur système temporel c'est à en perdre toute motivation.

Cent vingt-et-unième jour, donc, j'ai passé une bonne heure et demi (deux sixièmes) à m'amuser avec Chalet. Comme d'habitude il fait un temps superbe et s'annonce une nouvelle journée au paradis. Pénoplée me rejoint dans mon nouveau logis :

- Ça y est, tu t'es installé, tu as fait un tour ?

- Oui, c'est pas très grand mais sympathique.

- Tu as discuté avec l'appartement ?

- Avec "Chalet", oui.

J'emploie le terme "chalet" en Français, et comme nous parlons sa langue, ce mot ne veut rien dire pour elle.